
PARTIE 1📘e book / Néocolonialisme aux Antilles chapitre 1 et 2
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Introduction à l’étude des Pays sans couleurs
Une problématique toujours actuelle
Bien que la période coloniale soit officiellement révolue, la Guadeloupe et la Martinique demeurent profondément marquées par les logiques héritées de cette domination passée. Ces territoires français d’outre-mer continuent d’évoluer dans un cadre institutionnel, économique et culturel fortement centralisé, où les décisions majeures sont encore largement prises à Paris. Cette relation déséquilibrée est souvent qualifiée de néocoloniale : une domination moderne, plus subtile que la colonisation directe, mais tout aussi structurante dans ses effets sur les sociétés locales.
L’économie dépendante, les politiques publiques importées, les normes culturelles dominantes et la faible autonomie politique participent d’un système où l’autodétermination reste partielle. Cette réalité contemporaine interroge le statut des Antilles au sein de la République et nourrit un sentiment d’inachevé chez de nombreux citoyens.
Une lecture critique nécessaire
Ce livre propose une lecture critique de ces dynamiques persistantes, en s’appuyant sur le concept des « pays sans couleurs ». Cette expression renvoie à des territoires dont l’identité politique et culturelle reste floue, oscillant entre intégration républicaine et affirmation de spécificités locales. Le néocolonialisme ne se manifeste pas uniquement par des contraintes économiques ou juridiques, mais aussi par des formes plus insidieuses :
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L’effacement ou la minimisation des récits historiques locaux.
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La centralisation des décisions publiques.
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La marginalisation des langues et cultures régionales.
Ce constat appelle à une prise de conscience collective et à une redéfinition des rapports entre les Antilles et la métropole, fondée sur la reconnaissance mutuelle et la souveraineté culturelle.
Objectifs de l’ouvrage
À travers une analyse interdisciplinaire et engagée, cet e-book poursuit plusieurs objectifs :
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Identifier les formes contemporaines du néocolonialisme aux Antilles françaises.
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Analyser les conséquences sociales, économiques et culturelles de ces logiques sur les populations locales.
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Donner la parole à des penseurs, artistes, militants et citoyens impliqués dans la réappropriation de leur histoire et de leur avenir.
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Proposer des pistes de transformation, allant vers une gouvernance plus équitable et respectueuse des spécificités locales.
Structure de l’e-book
L’ouvrage se composera de cinq chapitres thématiques :
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Mémoire coloniale et identité antillaise
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Économie de dépendance et dominations invisibles
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Langue, culture et éducation : les outils du contrôle ?
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Résistances et alternatives : vers une souveraineté culturelle
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Vers un modèle antillais de développement ?
Chapitre 1 — Mémoire coloniale et identité antillaise
L’histoire coloniale des Antilles françaises forme le socle de nombreuses dynamiques actuelles. De l’installation des colons européens au développement des plantations esclavagistes, en passant par l’abolition de l’esclavage en 1848 et la départementalisation de 1946, chaque étape a laissé une empreinte durable sur les structures sociales et les représentations collectives.
La mémoire de l’esclavage, en particulier, occupe une place centrale dans la construction identitaire. Elle se manifeste par des commémorations officielles, des œuvres artistiques, des débats publics et des luttes mémorielles. Mais elle est aussi source de tensions, notamment en raison de son traitement parfois superficiel ou dépolitisé par les institutions.
De nombreuses voix dénoncent une invisibilisation des récits afro-descendants et une historiographie trop centrée sur la perspective métropolitaine. Cette situation empêche une pleine reconnaissance des apports et des souffrances des populations colonisées.
Par ailleurs, l’identité antillaise se développe dans une dialectique permanente entre enracinement local et appartenance à l’ensemble national français. Cette tension est au cœur des débats sur la langue, les symboles, les figures historiques et les politiques culturelles. Les statues renversées, les rues renommées et les écoles portant le nom de héros oubliés témoignent d’un désir de réappropriation de l’histoire.
👉 Question aux lecteurs : Comment percevez-vous l’impact de l’histoire coloniale sur l’identité actuelle des Antilles ? Estimez-vous que les récits officiels rendent justice à cette complexité historique ?
Chapitre 2 — Économie de dépendance et dominations invisibles
L'économie des Antilles françaises repose historiquement sur un modèle de dépendance, hérité du système colonial. Ce modèle perdure aujourd’hui sous des formes renouvelées, notamment à travers une forte dépendance vis-à -vis des transferts publics, des importations massives et de la centralisation des décisions économiques.
La structure productive locale reste fragile, dominée par quelques secteurs comme l'agro-industrie (banane, canne à sucre), le BTP, le tourisme et la fonction publique. Ces piliers économiques sont largement subventionnés, ce qui rend les territoires vulnérables aux décisions prises en métropole, ainsi qu’aux fluctuations des aides de l’État ou de l’Union européenne.
👉 Question aux lecteurs : Pensez-vous que les économies antillaises peuvent réellement se développer sans rompre avec leur dépendance aux financements extérieurs ?
Des inégalités structurelles persistantes
Malgré une modernisation apparente, les inégalités sociales demeurent criantes. Le chômage touche particulièrement les jeunes, les prix à la consommation sont nettement plus élevés qu’en métropole, et les écarts de revenus restent marqués. Le tissu entrepreneurial est peu développé, et les initiatives locales peinent à se pérenniser faute d’accompagnement adapté ou d’accès aux marchés.
De plus, l'importation systématique de produits métropolitains affaiblit les circuits courts et la souveraineté alimentaire. Cela contribue à un appauvrissement des savoir-faire locaux, au profit de logiques marchandes extérieures.
👉 Question aux lecteurs : Quelles actions concrètes pourraient favoriser une relocalisation de l’économie et un renforcement des circuits courts aux Antilles ?
Un pouvoir économique concentré
La majorité des grandes entreprises présentes aux Antilles appartiennent à des groupes hexagonaux ou à des familles békés, héritières des anciennes élites coloniales. Cette concentration des richesses et des moyens de production renforce les déséquilibres socio-économiques et limite l’émergence d’une économie véritablement endogène.
Ce pouvoir économique, couplé à un pouvoir politique centralisé, participe d’un système que certains qualifient de néo-féodal, dans lequel les populations locales ont peu de contrôle sur leur propre avenir économique.
👉 Question aux lecteurs : À votre avis, comment pourrait-on redistribuer le pouvoir économique pour mieux répondre aux besoins des populations locales ?
Des alternatives encore marginales
Face à cette réalité, des initiatives émergent : coopératives agricoles, entreprises sociales, monnaies locales, projets culturels et éducatifs. Ces alternatives peinent encore à changer d’échelle, mais elles témoignent d’un désir croissant de reprendre en main les leviers économiques et de construire des modèles adaptés aux spécificités locales.
Les acteurs de la société civile, les entrepreneurs antillais, les artistes engagés ou encore les chercheurs jouent un rôle essentiel dans cette dynamique de réappropriation économique. Mais ces initiatives manquent souvent de soutien institutionnel et de relais dans les politiques publiques.
👉 Question aux lecteurs : Connaissez-vous des initiatives locales qui incarnent une autre vision de l’économie aux Antilles ? Quelles conditions leur permettraient de se développer davantage ?